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Christophe Cheval's review of 'Dreaming of Babylon' (French)
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Richard Brautigan: Un Privé à Babylone

Christophe Cheval?

Richard Brautigan est né en 1935 à Tacoma, dans l'Etat de Washington. Il publie son premier recueil de poèmes en 1958, mais ce n'est que dix ans plus tard qu'il accédera à la célébrité avec la parution de La pêche à la truite en Amérique. Il devient alors le symbole de toute une génération. Il décide néanmoins de se retirer dans le Montana où, malgré le soutien de ses amis, il va peu à peu s'enfoncer dans la folie paranoïaque et l'alcool. Richard Brautigan s'est donné la mort le 25 octobre 1984 dans sa maison de Bolinas.

C.Card a deux vies. Dans l'une il est "l'œil", détective "privé d'affaires" à Chicago en 1942, dans l'autre il est le héros polymorphe de Babylone en 596 AVJC. Evidemment, gérer ses deux vies dans des journées de 24h n'est pas facile, il est donc contraint de sacrifier sa vie réelle sur l'autel babylonien de sa fantasmagorie : "A mon avis, l'une des raisons pour lesquelles je n'ai jamais fait un très bon détective privé, c'est que je passe trop de temps à rêver de Babylone".

Pas terrible en effet le détective, toujours à Babylone, toujours fauché, toujours perdu, et pour tout dire un peu simple d'esprit. Pas étonnant donc qu'il n'ait pas vu de clients depuis trois mois, mais peu lui importe qu'on le prenne pour un minable paumé, lui sait qu'il est à l'envie et tour à tour : joueur de base-ball vénéré, cow-boy ou détective adulé, il lui suffit de penser à Babylone.

Si Card pâtit de sa duplicité, le lecteur lui jubile "Je ne sais pas comment font les gens pour vivre comme moi. Mon appartement est si sale qu'il n'y a pas longtemps, j'ai remplacé toutes les ampoules de 75 watts par des ampoules de 25 watts pour ne plus être obligé de voir tout ça.".

La galerie de personnage crée par Brautigan est hallucinante, tous sont les fils naturels d'Audiard et Vian, du médecin légiste unijambiste danseur mondain à la poupée aristocrate buveuse de bière gargantuesque qui ne va jamais aux toilettes. Attention ne le lisez pas dans le métro, vos pouffements dérangeraient à n'en pas douter les 3/4 du wagon.

Brautigan n'est pas un auteur de polars, il s'ingénie donc à piétiner les poncifs du genre. Le livre se déroule en une journée, et se lit plus vite encore, si vous êtes fanatiques d'intrigues bien ficelées et de romans à énigmes, laissez tomber, si vous attendez d'un personnage qu'il évolue au fil de l'histoire, n'espérez rien de C.Card, indécrottable rêveur qui ne s'implique que dans sa vie fantasmatique. Ne vous attendez pas non plus à ce que les questions soulevées au fil des pages trouvent toutes une réponse. Attendez-vous par contre à ne plus relever le nez du bouquin avant la fin, et à passer un pur moment de bonheur.

Un Privé à Babylone est un polar parce qu'il le fallait bien, les personnages ne pouvaient évoluer à leurs aises que dans une littérature "populaire", mais plus qu'un roman noir, c'est un roman bleu, en effet, L'œil, s'il est très agaçant, n'en reste pas moins très attachant, et son inadéquation au système si elle nous fait sourire nous inspire également une pointe d'amertume, comme un regret, une envie.


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