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Alexandra Morardet's review of Revenge of the Lawn (French)
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Richard Brautigan: La vengeance de la pelouse

Alexandra Morardet?

"J'ai examiné des petits bouts de mon enfance. Ce sont des morceaux d’une vie lointaine qui n'ont ni forme ni sens. Des choses qui se sont produites comme des poussières. "

La vengeance de la pelouse réunit 62 courts textes.
Les réminiscences de l'enfance, les premières images indélébiles, les anecdotes perdues affleurent dans un flot de nostalgie. Brautigan se penche sur son passé avec talent, ravivant des instants de vie, décrivant les silhouettes éloignées avec émotion.

Il rend un dernier hommage aux personnages atypiques qui ont peuplé sa vie, restant sur le fil, entre humour et tristesse.
Ainsi la grand-mère, au cœur de la prohibition, qui fait de la contrebande d'alcool, est à peine, un personnage de roman, mais une figure symbolique de l'enfance. Les anecdotes s’entrechoquent. La dérision avec laquelle Richard Brautigan enrobe ses souvenirs est touchante.

"Le premier souvenir de ma vie remonte à 1936 ou 1937. C'était dans la cour de chez ma grand-mère. Je me souviens de voir un homme, probablement Jack, abattre le poirier et l’arroser d'essence. Ça semblait bizarre, même pour le premier souvenir d'une vie, d'être là à observer un homme verser des litres et des litres d'essence sur un arbre d’une dizaine de mètres, couché de tout son long sur le sol, puis de le voir y mettre le feu alors que les fruits étaient encore verts sur les branches."
Les défis d’enfant, les absurdités adolescentes se joignent au bal des souvenirs dans un nuage d’ironie et de tendresse. Ces courts récits forment une mosaïque colorée, aux tonalités vivifiantes.

La Californie rayonne dans ces micro récits surréalistes en tant qu’étendard de la Beat Generation, dont Richard Brautigan est devenu le symbole.

Même si le recueil est parfois inégal, le plaisir de lire ces bouts de pensées, ces morceaux de vie, ces instants volés à l’oubli est suffisant.

"Je me rendais compte que la journée avait pris la forme d'un étrange pèlerinage, et ce n'était pas ainsi que je l'avais prévue. Au moins, le pot de nescafé n'était pas sur la table, à côté d’une tasse blanche vide, et d'une petite cuiller.
On dit qu'au printemps, il vient à l'imagination des jeunes gens des idées d'amour. Peut-être, s’il leur reste assez de temps, y a-t-il aussi un peu de place dans leur imagination pour une tasse de café."

L'œuvre du magicien Brautigan est magnifique. Son écriture ponctuée de ce doux lyrisme irréel est extraordinaire. Le constat sur l'éphémère, sur la mort de l'enfance, ne s'embourbe pas dans une vaine prétention mais s'ouvre sur la simple beauté des mots et frôle la perfection.


Festival America 14-17 octobre 2004
Online Source: http://www.arte-tv.com/fr/art-musique/selection-livres/De_20A_20_C3_A0_20Z/A-C/671300.html(external link)